Wednesday, November 28, 2007

Rites tantriques


La voix de son maître Rig'dzin Dorje, plus lamaïste que le grand lama.
L'exécution a lieu ICI. mais la réalité se trouve LA.

Le bouddhisme est devenu un musée de rites et une affaire de bazar.

Parfois, un disciple de lama arrive à sortir de sa léthargie mystique et interroge son maître sur le sens de ses pratiques quotidiennes : récitations de formules magiques, offrandes de nourriture aux déités tantriques, liturgies cacophoniques…
Le catéchisme lamaïste est formel, les pratiques rituelles permettent d’amasser des mérites. Un adepte du Vajrayana thésaurise les mérites afin d’obtenir après sa mort une bonne renaissance, un corps sain, une famille agréable. Le nec plus ultra, c’est de renaître dans une famille riche. Pour de nombreux lamas, la richesse est le résultat d’un bon karma.

Le bouddhisme tantrique ne dissimule pas son goût de l’opulence. Les pratiquants du Vajrayana connaissent tous le mantra de Djambala, le dieu de la richesse. Le marketing religieux a même inventé le dharma d’or. Dans l’Himalaya, c’était un enseignement ésotérique qui se payait avec de bonnes mesures du précieux métal.
A l’heure du capitalisme décomplexé, le Vajrayana bénéficie d'une considérable sympathie médiatique. Est-ce un hasard ?

Sunday, November 25, 2007

Karpâtri, le moine rebelle.

Karpâtri était un sannyâsin très respecté de la lignée de Shankarâchârya. Il appartenait à l’ordre Saravasti. Toujours vêtu d’un seul morceau d’étoffe, c’était un moine errant, un marcheur infatigable.

Le moine tenta d’arrêter l’anti-traditionnalisme des pouvoirs publics qui menaçait le Dharma. Il créa l’association Dharma Sangh, le mensuel Siddhanta, le mouvement politique Jana Sangh (Assemblée du peuple).
Swami Karpâtri fut incarcéré par Nehru. " Et lorsqu’il arriva à la prison, écrit Daniélou, le directeur et tous les gardiens se prosternèrent à plat ventre pour le laisser passer, embrassant la trace de ses pas. "

Dans le livre de Daniélou " Le mystère du culte du linga ", une compilation des textes fondamentaux de Swami Karpâtri, l’auteur développe la vision de la Tradition des représentants de l’orthodoxie hindoue :

" Le Sanâtana Dharma, la religion éternelle. Elle était menacée puisque le gouvernement ne reconnaissait pas ses aspects extérieurs, sa coquille qui lui permet de se perpétuer.

Le système indien, pour maintenir une certaine tradition, est un tout avec une société d’enseignement. C’est pour cela que Karpâtri considérait que s’attaquer à la structure de la société, c’était en somme s’attaquer à la connaissance que cette société est censée représenter et transmettre.
L’ennemi contre lequel se battait le Dharma Sangh n’était pas l’Empire anglais dont les représentants n’intervenaient pas dans les domaines de la religion et des rites. Ce qui paraissait dangereux aux représentants de la tradition, c’était le faux hindouisme des Indiens anglicisés qui prétendaient adapter les doctrines traditionnelles aux conceptions chrétiennes qu’ils considéraient comme plus compatibles avec les réalités du monde moderne. Il fallait aussi lutter contre les prétendus âshrams qui exploitent la crédulité des gens, le théosophisme, Aurobindo, les adeptes de Râmakrisna, et surtout contre les politiciens, en particulier Gandhi qui apparaissait comme le type même du réformateur moderniste, plus chrétien que hindou, luttant comme Don Quichotte contre des problèmes qui n’existaient pas, tels que celui des castes et des prétendus " intouchables ", ce qui lui faisait une publicité considérable parmi les socialistes anglais mais n’intéressait pas les populations.

D’ailleurs quand on parle de Râmaraj – rétablir le royaume de Râma – je ne comprends pas pourquoi on présente comme une orthodoxie pieuse. Je ne crois pas du tout que dans les grandes époques de la culture, de la spiritualité indienne, il était question de puritanisme. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai publié le Kâma-Sûtra : les sources du Kâma-Sûtra sont des mêmes auteurs que certains Upanishads, le commentaire du Kâma-Sutra est contemporain de Shankarâcharya. Il est très difficile, semble-t-il, pour les indiens de sortir complètement de ce moralisme puritain qu’ils ont adopté ; ils croient vraiment que l’on peut vivre une vie idéale avec ce genre de limitations. […]

Finalement lorsque se développa le combat politique du Jana Sangh contre le Congrès, Swami Karpâtri me conseilla de retourner en Europe pour y exposer les principes fondamentaux de l’hindouisme car, comme étranger, je ne pouvais pas participer à la lutte politique en Inde. "
Le mystère du culte du linga, Les Editions du Relié.

La violence politique et religieuse est toujours inacceptable. Elle n’est guère raisonnable. Cependant, un rationalisme, qui participe au faux universalisme occidental, peut engendrer bien des révoltes dans le monde. Dans un texte de 1995, Pierre Bourdieu écrit :

" Il vient du fond des pays islamiques une question très profonde à l’égard du faux universalisme occidental, de ce que j’appelle l’impérialisme de l’universel. […] S’il est vrai que certain universalisme n’est qu’un nationalisme qui invoque l’universel (les droits de l’homme, etc.) pour s’imposer, il devient moins facile de taxer de réactionnaire toute réaction fondamentaliste contre lui. Le rationalisme scientiste, celui des modèle mathématiques qui inspirent la politique du FMI ou de la Banque Mondiale, celui des Law firms, grandes multinationales juridiques qui imposent les traditions du droit américain à la planète entière, celui des théories de l’action rationnelle, etc., ce rationalisme est à la fois l’expression et la caution d’une arrogance occidentale, qui conduit à agir comme si certains hommes avaient le monopole de la raison, et pouvaient s’instituer, comme on le dit communément, en gendarmes du monde, c’est-à-dire en détenteurs autoproclamés du monopole de la violence légitime, capables de mettre la force des armes au service de la justice universelle. La violence terroriste, à travers l’irrationalisme du désespoir dans lequel elle s’enracine presque toujours, renvoie à la violence inerte des pouvoirs qui invoquent la raison. La coercition économique s’habille souvent de raisons juridiques. L’impérialisme se couvre de la légitimité d’instances internationales. Et, par l’hypocrisie même des rationalisations destinées à masquer ses double standards, il tend à susciter ou à justifier au sein des peuples arabes, sud-américains, africains, une révolte très profonde contre la raison qui ne peut pas être séparée des abus de pouvoir qui s’arment ou s’autorisent de la raison (économique, scientifique ou autre). Ces " irrationalismes " sont en partie le produit de notre rationalisme, impérialiste, envahissant, conquérant ou médiocre, étriqué, défensif, régressif et répressif, selon les lieux et les moments. C’est encore défendre la raison que de combattre ceux qui masquent sous les dehors de la raison leurs abus de pouvoir ou qui se servent des armes de la raison pour asseoir ou justifier un empire arbitraire. "

Thursday, November 15, 2007

Les critiques de Xun Ji

En chine, les " sages cachés " vivent dans les montagnes sauvages et les forêts. Ils ne détruisent pas l’environnement pour faire édifier des temples et des idoles géantes. Ont-ils besoin de séduire de riches donateurs et de se livrer au commerce des amulettes et des reliques ?
De leur côté, les puissants prélats du bouddhisme, qui a dégénéré en religion populaire, n’ont cure de la beauté de la nature et de la vie simple. Ils apprécient les édifices prétentieux, les cérémonies, les parades, le clinquant. Ils s’entourent de disciples obséquieux.

Au 6ème siècle, Xun Ji porte cinq accusations contre les bouddhistes :

1) Le bouddhisme méprise les valeurs essentielles des Chinois.

Aujourd’hui moines et nonnes ne cultivent pas la terre. Ils ne se marient pas. Ils coupent leurs fonctions procréatrices. Ils sont arrogants envers leur prince et méprisants envers leurs parents. […]

2) Les bouddhistes sont des parasites.

Ils est naturel que tout homme, ou femme, capable d’engendrer des enfants puissent se marier et enfanter. La voie barbare s’oppose à cela. Pour la plupart, ils font des images du Bouddha en argile ou en bois, et vivent avant tout d’aumônes. N’y a-t-il pas là un très grand entêtement ? C’est la seconde pratique anormale.

3) Que sert d’être illuminé, si l’on ne peut rectifier la conduite de ses fidèles ?

Le barbare hypocrite prétend faussement être le grand illuminé. Or sa cohorte de moines commet l’adultère et l’infanticide. Moines et nonnes agissent ainsi. Ils écrasent les fourmis pour dresser leurs statues du Bouddha. Ils gaspillent biens et forces pour ériger des temples compliqués. Si Sakyamuni est capable de contrôler de telles activités, et qu’il tolère en fait l’adultère et l’infanticide, son amour et sa compassion ne sont que mensonges. Si lui, le grand illuminé, peut seulement remarquer de tels abus sans pouvoir empêcher les gens de les commettre, alors il n’est d’aucun secours, et le monde ne peut être illuminé. C’est la troisième pratique anormale.

4) Les bouddhistes sont des parjures.

L’enseignement barbare est mesquin, misérable ; il court après les riches. Il entraîne les trois passions et porte partout atteinte aux vivants. On n’a jamais vu les bouddhistes cultiver les six vertus ou glorifier les Trois Joyaux. C’est la quatrième pratique anormale.

5) En dénaturant leur religion, les bouddhistes font courir un très grand danger au pays.

L’enseignement légué par le Bouddha demande à ses disciples de ne pas cultiver les champs, de n’amasser ni richesses ni céréales. Il leur faut mendier leur nourriture et leur vêtement, observer les (douze) règles d’ascétisme. Or, il n’en est rien. Plusieurs centaines de milliers de moines n’envisagent plus de mener la vie d’ermite. Ceux qui suivent la religion et ne cultivent pas les champs sont si nombreux que le pays court à la famine et à l’indigence. Est-il bien nécessaire de léguer une religion et de fonder un enseignement qui doit rester lettre morte ? De toute façon la religion n’est pas raisonnable. C’est la cinquième pratique anormale.

Convaincu que les bouddhistes tentent d’instaurer un Etat dans l’Etat, Xun Ji dénonce leurs célébrations fastueuses et leur organisation religieuse qui apparaissent comme des imitations illicites de la cour impériale :

Ils construisent de vastes habitations, imitant illégalement le style des demeures impériales.

Ils édifient de formidables constructions qu’ils décorent de figures étrangères, considérées comme l’égal du culte ancestral au temple impérial.

Ils traduisent intensivement leurs paroles séditieuses, et encouragent leur large diffusion, manifestant ainsi leur irrespect envers les mandats impériaux.

Ils lèvent des contributions à l’avance dans le but d’une rédemption, afin que le peuple échappe aux fausses calamités des six fins de l’enfer. Par cette conduite, ils s’arrogent le droit du souverain d’imposer peines et punitions.

Ils prétendent faire partie des Trois Joyaux, feignent de se conformer aux quatre règles de conduite. Avec dédain, ils font peu de cas du souverain. Telle est leur méthode pour s’arroger le pouvoir.

Ils dressent de nombreux temples et statues, et multiplient les moines et les nonnes avec leurs ordinations. Ils posent par là les bases de leur tyrannie.

Ils fixent les trois mois de jeûnes, convoquent les grandes assemblées des quatre catégories de fidèles adhérents. Ils mettent en place un nouveau calendrier, secrètement s’approprient une main-d’œuvre et ont à leur disposition des renforts militaires.

Ils fabriquent de la musique pour séduire ignorants et subordonnés ; ils procurent des amusements bouffons pour attirer à leur rassemblement ceux qui habitent loin. Ils font valoir la paix et la joie du Bouddha et critiquent les fatigues et les souffrances du domaine royale. Voilà une transformation de nos coutumes et de nos mœurs, une levée de taxes.

Ils font des conférences et tiennent des rassemblements, où ils changent et modifient leurs plans déviés ; où ils s’accordent avec les donateurs et réfutent leurs critiques. Ceci ressemble à la stratégie secrète soulignée dans le Liu tao.